A l’occasion du 41e congrès de la Mutualité Française, Etienne Caniard, président de la Mutualité Française, accueille 2.000 mutualistes, les décideurs de la santé – politiques, institutionnels, professionnels de santé, leaders d’opinion – et les plus hautes autorités de l’Etat. Il formule cinq propositions.
Les cinq propositions
- Une véritable généralisation de la complémentaire santé, pour améliorer l’accès aux soins des Français.
- Une remise à plat de la politique conventionnelle avec les professionnels de santé, pour réduire le reste à charge des Français.
- Le développement de l’offre de soins de premier recours, pour optimiser l’organisation du système de santé.
- De nouveaux services, pour mettre l’innovation en santé digitale au service des patients.
- Un nouveau Code de la Mutualité, pour renforcer le développement des mutuelles et leur performance économique et sociale dans un contexte en profonde mutation (généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés, concentration du secteur, directive Solvabilité 2…).
Une véritable généralisation de la complémentaire santé
« Les complémentaires santé sont devenues indispensables : sans complémentaire, un Français renonce aujourd’hui deux fois plus à des soins », rappelle Etienne Caniard. Or, 3,3 millions de personnes en sont privées : essentiellement des retraités, jeunes en difficulté d’insertion professionnelle ou chômeurs de longue durée – une population qui n’est absolument pas concernée par la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés. « Pour les retraités en particulier, c’est la quadruple peine : alors que leur revenu d’activité baisse et que les problèmes de santé sont plus fréquents à leur âge, ils perdent le cofinancement de leurs cotisations par leur employeur et les aides fiscales et sociales dont bénéficie le contrat collectif de leur entreprise. Le coût d’un contrat santé peut ainsi être multiplié par plus de 3 et passer en moyenne de 300 à 1.000 euros par an ! C’est inacceptable et insupportable financièrement pour un nombre croissant d’entre eux. »
C’est pourquoi la Mutualité Française demande une remise à plat de l’ensemble des dispositifs d’aides afin de faciliter l’accès à la complémentaire santé pour les personnes qui en ont le plus besoin. « Aujourd’hui, les salariés et leur famille – via les contrats collectifs d’entreprise – bénéficient d’aides fiscales et sociales qui atteignent 3,5 milliards d’euros, alors que les retraités et chômeurs de longue durée – notamment – n’ont droit à aucune aide de ce type », observe Etienne Caniard. Cette réforme serait l’occasion de simplifier et de mieux articuler l’ensemble des aides à la complémentaire (ACS, CMU-C, contrats collectifs, contrats Madelin…), sans coût supplémentaire pour le budget de l’Etat, en poursuivant l’objectif de lisser le tarif de la complémentaire santé tout au long de la vie de l’assuré.
La rénovation du système conventionnel avec les professionnels de santé
« Alors que l’assurance maladie fête son 70e anniversaire, il est plus que jamais nécessaire de réaffirmer les valeurs de solidarité, au cœur du contrat social, et d’innover pour que ces valeurs soient une réalité pour tous (au-delà même du régime général) », estime Etienne Caniard, président de la Mutualité Française. « Pour améliorer l’accès aux soins, nous devons désormais passer d’une égalité de droit à une égalité de fait qui se mesure à l’aune du reste à charge du patient – ce qui lui reste à payer après le remboursement de l’assurance maladie et celui de sa complémentaire santé », explique-t-il. Or, ce reste à charge est élevé et atteint en moyenne 618 euros par ménage et par an en 2012, en hausse de 5 % par rapport à 2008 (1).
Parmi les solutions proposées par la Mutualité Française pour faire baisser le reste à charge : le développement des réseaux de soins en optique et en dentaire pour arriver à un reste à charge nul, mais également la rénovation du système conventionnel avec les professionnels de santé. Les dépassements d’honoraires ne cessent d’augmenter et ont atteint 2,7 milliards d’euros en 2014, 70% de cette somme restant à la charge du patient tandis que les complémentaires santé en remboursent 30%. »Faut-il se résigner à une augmentation des dépassements d’honoraires sans contrepartie ? », s’interroge Etienne Caniard. « Ne serait-il pas préférable d’imaginer un cadre d’engagements réciproques entre complémentaires santé et médecins permettant de mieux rémunérer certains actes ou pratiques définis avec les professionnels de santé ? Nous pouvons aussi réfléchir à d’autres dispositifs pour favoriser la coordination, les pratiques de qualité, financer des modes d’organisation allégeant les tâches non médicales des médecins », poursuit le président de la Mutualité Française.
Développer l’offre de soins de premier recours
« Nous regrettons le caractère trop hospitalo-centré de notre système de santé et l’absence d’une véritable logique de parcours de soins du patient », déclare Etienne Caniard. C’est pourquoi la Mutualité Française milite pour le développement d’une offre de soins de premier recours et a lancé, à la suite de son congrès de Nice de 2012, un programme de ce type au plus près des besoins des patients et en étroite collaboration avec les professionnels de santé.
La Mutualité Française promeut ainsi de nouveaux modes d’organisation dans les maisons et centres de santé mutualistes garantissant un reste à charge nul pour le patient (exercice pluri-professionnel regroupé, conventionnement dentaire…), et a mis en place un programme ambitieux d’information, de prévention et de dépistage : campagne sur la nutrition, détection de la BPCO (2) dans les pharmacies, géolocalisation des programmes d’éducation thérapeutique…
Mettre l’innovation et la santé digitale au service des patients
Objets connectés, télémédecine, »big data », décryptage du génome et médecine prédictive… La révolution digitale et technologique de la santé est en marche et ouvre des perspectives immenses. « Les mutuelles ont montré qu’elles étaient pionnières pour mettre l’innovation au service de leurs adhérents », observe Etienne Caniard.
Les mutuelles proposent ainsi des services innovants à leurs adhérents, via notamment leurs 2.500 établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Des cabines de téléconsultation sont, par exemple, en cours de déploiement, pour permettre aux malades et aux personnes âgées de rencontrer un médecin sans avoir à faire des déplacements trop importants et souvent contraignants compte tenu de leur situation respective. Des objets connectés sont également proposés aux adhérents pour leur donner les moyens de devenir acteurs de leur santé, suivre l’évolution de leur activité physique ou de leur poids, et surveiller leur tension ou leur diabète. Des robots sont actuellement en expérimentation. Ils accompagnent les personnes âgées, en situation de dépendance, dans la gestion de leur vie quotidienne (information sur leur santé, alerte en cas de chute…).
« Si les perspectives sont immenses, notamment en termes d’optimisation de l’organisation du système de soins et de prévention, il devient urgent aujourd’hui de s’interroger sur les moyens de rendre accessibles au plus grand nombre ces innovations tout en les évaluant », rappelle Etienne Caniard. « Il faut mettre en place des garde-fous pour éviter notamment une trop forte individualisation des garanties qui se ferait au détriment de la mutualisation et de la solidarité entre assurés », souligne Etienne Caniard qui demande la création d’un lieu de débat, réunissant l’ensemble des acteurs de la santé digitale, pour discuter de ces enjeux, évaluer les expérimentations menées et déterminer l’utilité des dispositifs qu’il conviendrait de généraliser.
Renforcer le modèle d’entreprendre des mutuelles
Aujourd’hui, les mutuelles vivent trois évolutions majeures : la concentration du secteur, la directive Solvabilité 2 et l’ANI. En l’espace de sept ans, la concentration du secteur a été spectaculaire : le nombre de mutuelles a été divisé par 2, passant de 973 en 2008 à 450 en 2015. Ce mouvement devrait se poursuivre avec les nouvelles exigences en capitaux propres fixées par Solvabilité 2 et la pression concurrentielle qui va s’exercer avec l’entrée en vigueur de la complémentaire santé pour tous les salariés. Ces rapprochements permettent aux mutuelles de développer de nouveaux services à forte valeur ajoutée pour les assurés (réseaux de soins, tiers payant, dispositifs de prévention…) et d’augmenter encore leur performance économique au service de leur performance sociale. Le nouveau Code de la Mutualité devra permettre aux mutuelles de relever ces différents défis, de renforcer leur leadership dans le secteur de la complémentaire santé et de leur donner toute latitude pour développer leurs services et leur activité dans le secteur de la protection sociale.
La généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés va se traduire par la transformation de 3,6 millions de contrats individuels en contrats collectifs. Avec ce basculement, devra être renforcée la représentation des salariés et des entreprises au sein de la gouvernance démocratique des mutuelles dont les principes d’organisation ont été établis à une époque où l’adhésion individuelle était la norme. Le nouveau Code de la Mutualité doit intégrer la réalité des contrats collectifs en organisant la représentation des salariés et des entreprises.
Avec la directive Solvabilité 2, la gouvernance mutualiste est également amenée à évoluer, les dirigeants – les élus comme certains salariés – devant répondre aux critères « fit and proper ». C’est pourquoi la Mutualité Française souhaite renforcer le statut de l’élu mutualiste bénéficiant notamment de formations adaptées. Avec ce statut, l’objectif sera également de renforcer la parité et le renouvellement militant.
« Alors que le gouvernement a fait du développement de l’économie sociale et solidaire un axe important de sa politique, il est aujourd’hui nécessaire de garantir à l’un des piliers de ce secteur les moyens de se développer. Et c’est bien le renforcement de la dynamique entrepreneuriale et militante des mutuelles qui est au cœur de la rénovation du droit mutualiste, explique Etienne Caniard. Il est fondamental aujourd’hui de distinguer ce qui relève de la gouvernance de ce qui relève du champ d’activités. Le Code de la Mutualité doit être un code « moteur » pour le développement et la forme mutualiste. »
Sources :
(1) Drees (comptes nationaux de la santé 2012, septembre 2013), Insee (comptes nationaux, février 2014)/Calculs FNMF.
(2) Broncho-pneumopathie chronique obstructive.