La Mutualité française Rhône-Alpes et la Mutualité française Loire SSAM, acteurs majeurs de santé public, ont organisé, en partenariat avec la ville de Saint-Etienne, mardi 24 novembre dernier, une conférence santé sur la thématique de la douleur. Conférence qui s’est tenue au Centre des congrès Fauriel devant plus de 700 personnes et en présence de Cyril MEKDJIAN, conseiller municipal à la prévention et à la santé.
Autour du Docteur Stéphane TESSIER, médecin de santé publique chargé d’animer les débats, étaient réunis trois experts : Dr Malou NAVEZ, médecin de la douleur au CHU de Saint-Etienne, Dr Denis BAYLOT, médecin anesthésiste et de douleur à la Mutualité française Loire SSAM, et David LE BRETON, professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg.
Ils ont tenté de définir la douleur et sa subjectivité, d’en expliquer les mécanismes et les causes tout en présentant les différentes façons de l’évaluer. Bien évidemment ont également été abordés, par les trois experts, les différents modes de prise en charge de la douleur.
Comment définir la douleur ?
Totalement subjective, la notion de douleur est difficile à définir. Des experts internationaux la caractérisent toutefois comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, en lien avec une lésion réelle ou potentielle ou décrite dans les termes d’une telle lésion», le terme « potentielle » ouvrant le champ de la psychologie et de la psychopathologie. Il est également avéré que la douleur devient consciente dans le cerveau après avoir suivi plusieurs chemins nerveux, via la moelle épinière.
Le cerveau est donc le lieu de l’élaboration de la sensation douloureuse. Une sensation douloureuse qui peut se montrer bénéfique agissant comme une alarme (par exemple lorsqu’on se brûle, le cerveau nous avertit d’enlever notre main). De même, produites par le cerveau, les endorphines ou la sérotonine peuvent freiner, moduler la douleur dans des situations particulières.
Quand la douleur devient maladie…
Si la douleur peut nous protéger, elle peut se montrer destructrice lorsqu’elle devient chronique. Elle « s’enracine » dans le corps et n’est plus un symptôme mais une maladie à partir du moment où elle impacte sur le quotidien. Très vite, elle devient insupportable, un ressenti accentué par l’intensité de la douleur, ses caractéristiques, son retentissement sur la vie quotidienne, le sens qu’on lui donne, et l’impuissance des médecins ou des médicaments à la soulager.
Y a-t-il une corrélation entre douleur et pathologie ?
Il n’y a pas vraiment de corrélation entre la douleur et la gravité de la pathologie. C’est le ressenti de la douleur qui est important. La douleur est une histoire d’individu, de personne. On ne souffre pas d’une lésion mais de l’interprétation d’une lésion. C’est la souffrance qui existe, pas la douleur. Ainsi, la douleur nous enseigne nos limites. Elle peut même être parfois sublimée, dans certaines pratiques comme le tatouage, le piercing, le sport…ou certains rituels. Aujourd’hui, dans nos sociétés contemporaines, la douleur a perdu toute signification sociale ou religieuse. Nous sommes donc face à la douleur sans explication autre qu’intime et personnelle.
Comment et pourquoi évaluer la douleur ?
La douleur étant purement subjective, les médecins sont amenés à « croire » le patient qui est le plus à même d’évaluer sa douleur. La douleur devient objet de communication entre le patient et le médecin. Reconnaître, nommer une douleur est déjà un soulagement. Un réel dialogue doit s’établir entre médecin et patient afin, entre autres, de juger de l’efficacité des traitements envisagés. Le médecin doit écouter, comprendre, s’accorder, s’ajuster avec le patient afin que ce dernier soit partie prenante ou pleinement acteur dans la gestion de sa douleur.
Concrètement, l’échelle d’auto-évaluation, graduée de 1 à 10, est un moyen efficace d’évaluer la douleur mais il faut également tenir compte du retentissement de la douleur sur la vie quotidienne (la douleur empêche-t-elle de dormir ? De travailler?…)
Pour les personnes qui ne verbalisent pas (bébés ou personnes âgées), il est d’autant plus difficile d’évaluer cette douleur. Les médecins en pédiatrie ou gériatrie ou en milieu de handicap ont recours à l’observation d’attitudes, de mimiques, de gestes particuliers qui permettent de codifier la douleur.
Quels traitements pour soulager la douleur ?
- En premier lieu, les médicaments. Si peu de progrès ont été faits dans ce domaine, le corps médical a dorénavant une meilleure connaissance des cibles et de la façon d’ajuster les dosages. Le traitement passe par les antalgiques qui peuvent agir à plusieurs niveaux. Certains ralentissent ou empêchent la trajectoire de la douleur, (les opiacés telle que la morphine), d’autres renforcent les contrôles naturels de la douleur (certain anti dépresseurs ou anti épileptiques). Enfin sont actuellement développés des médicaments qui agissent sur la mémoire de la douleur. Dans tous les cas, c’est le patient qui a le dernier mot et c’est lui qui est le mieux placé pour juger de l’efficacité de son traitement.
- La neuromodulation : c’est une technique basée sur la stimulation électrique de certaines zones du cerveau ou de la moelle épinière impliquée dans la douleur. Plus simplement, la stimulation à travers la peau est largement rependue, le patient gérant sa stimulation lui-même.
- Le mouvement : bouger est antalgique.
- La cryothérapie : parfois le froid diminue la douleur
Mais d’autres médecines et techniques complémentaires peuvent aussi avoir des effets : hypnose, relaxation, méditation, sophrologie, yoga, rééducation, acupuncture,… Des techniques complémentaires qui peuvent se montrer bénéfiques dans le sens où « elles détournent l’individu de sa douleur ».