Constatant la dégradation progressive de l’accès aux soins des Français, Etienne Caniard, président de la Mutualité Française, a tenu un point presse mercredi 5 novembre dernier à Lyon pour faire état des propositions contribuant à l’amélioration de l’accès aux soins et plus généralement du système de santé. Un interview du Progrès a été réalisé à cette occasion et a fait l’objet d’un article dans le Progrès.
Le Président de la Mutualité Française s’alarme du recul de l’accès à la complémentaire santé et demande des réformes à court,moyen et long terme pour «changer la donne».
Que pensez-vous du projet de loi de financement de la sécurité sociale ?
Il laisse subsister une double peine avec le maintien du déficit sans que rien ne soit fait contre l’augmentation du renoncement aux soins. Avec le désengagement de l’Assurance-maladie, les complémentaires deviennent indispensables or pour la première fois on assiste à un recul de l’accès aux complémentaires santé . En 2012, 3,3 millions de Français en étaient privés, soit 500 000 de plus qu’en 2010. Cela va aussi renforcer le recours au système hospitalier et engendrer de nouveaux coûts, les urgences coûtant plus chers. S’il n’y a pas une prise de conscience, nous courons à la catastrophe. Notre pays accumule les filets de sécurité avec la CMU, l’aide à la complémentaire…
Pourquoi cette aide à la complémentaire ne fonctionne pas ?
Parce que la somme restant à charge reste trop importante. Le seul indicateur qui vaille est le montant du reste à charge. Or, aujourd’hui, la base de remboursement de la Sécurité sociale s’avère trop souvent sans rapport avec les prix pratiqués, ce qui rend difficile l’évaluation de ce reste à charge. Pour diminuer les restes à charge, il faut donner une marge de manœuvre aux complémentaires. Nous ne sommes pas là que pour la solvabilité. Il faut que l’Etat arrête de gérer à la place de celui qui est le financeur principal – c’est notre cas pour le dentaire et l’optique.
Que demandez-vous ?
Une baisse de nos taxes. Entre 2005 et 2012, elles sont passées de 1,75 % à 13,27 %. Le poids de cette taxation est en grande partie la cause du renchérissement des contrats des complémentaires. Nous demandons une baisse de deux points pour les contrats responsables. En échange, nous nous engageons à répercuter cette baisse au profits de nos adhérents. La deuxième mesure à prendre est le développement du tiers payant.
Sa généralisation envisagée par la loi de Santé doit donc vous satisfaire…
Nous accompagnons la ministre sur ce sujet. Sur 28 pays européens, 25 pratiquent le tiers payant. L’opposition vient des défenseurs des dépassements d’honoraires (qui représentent une minorité – 25 % des médecins), car c’est un redoutable révélateur de ces dépassements. La France est le seul pays de l’OCDE à combiner prise en charge collective et liberté tarifaire. Or, on ne peut pas lutter contre les restes à charge si les dépassements d’honoraires ne sont pas encadrés. La généralisation du tiers payant est un enjeu économique considérable : c’est 11,2 milliards d’euros laissés à disposition du pouvoir d’achat des Français. J’entends les inquiétudes mais nous nous engageons, mutuelles, assurances et institutions de prévoyances, à mettre en place pour 2017 des outils simples et sécurisés pour garantir les paiements aux professionnels de santé.