Limiter les dépassements d’honoraires : les solutions de la Mutualité Française

Le 5 mars dernier, le Président de la Mutualité Française a tenu une conférence de presse sur la refonte des contrats responsables des complémentaires santé et sur la nécessité de limiter le niveau des dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins.

Pour Etienne Caniard, il faut limiter le niveau des dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins pour faciliter l’accès aux soins, tout en maîtrisant les dépenses de santé.

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« Demain, les complémentaires qui remboursent déjà un tiers des dépassements d’honoraires sans aucun fondement rationnel privilégieront la prise en charge des honoraires des médecins qui se sont engagés à des comportements plus vertueux. » C’est par cette formule qu’Etienne Caniard a résumé, le 5 mars, à l’occasion d’une conférence de presse, l’esprit des propositions de la Mutualité Française dans le cadre de la rénovation des contrats responsables et solidaires entamée par le gouvernement. Pour le président de la Mutualité Française, cette position sonne comme « un signal fort » adressé aux médecins, alors qu’est attendue avant la fin du mois la publication du décret définissant le contenu de ces contrats.

Quelle est-elle exactement ? « Nous ne proposons pas de plafonner les dépassements d’honoraires, car ce n’est pas dans les prérogatives de la Mutualité, précise Etienne Caniard. Nous souhaitons simplement que soit mis fin aux mécanismes incitant les complémentaires à solvabiliser des pratiques marginales. »

Dans ce contexte, la Mutualité se propose de « donner un repère » et de « recentrer la prise en charge sur les professionnels de santé qui s’engagent dans une démarche de maîtrise et de régulation ». « Demain, ajoute son président, pour être dit responsable, un contrat ne devra pas rembourser au-delà de 100% du tarif de la Sécurité sociale les dépassements d’honoraires des médecins ayant opté pour le contrat d’accès aux soins (CAS). » Pour les autres médecins, le niveau de prise en charge sera de 50%, une limite déterminée en référence au dépassement moyen observé aujourd’hui, qui s’élève à 80% du tarif opposable.

Incitation aux médicaments génériques
Autre disposition vertueuse qui devrait figurer dans les contrats responsables : celle qui consiste à renforcer l’incitation à la prescription de médicaments génériques. Les contrats responsables les prendraient en charge à 100%, contre 95% actuellement. Pour les médicaments princeps, le remboursement serait corrélé au niveau de service médical rendu (SMR) du produit, à l’instar de ce que pratique le régime obligatoire. Aujourd’hui, en l’absence d’une telle discrimination dans la prise en charge, « la France entretient des phénomènes de rente au détriment de l’innovation », regrette le président de Mutualité Française.

Enfin, en matière d’optique, il faut « travailler à la mise en place des réseaux de soins, » seule solution pour freiner l’inflation des points de vente et des prix des équipements, qui a considérablement compromis l’accès aux soins dans ce secteur. Cet outil « peut être complété par la fixation de prix plafonds, dégressifs dans le temps, pour permettre une adaptation du marché à cette nouvelle donne », propose Etienne Caniard.

Sortir de « la double peine »
« Nous sommes le premier acteur qui réclame une régulation de notre secteur », fait-il remarquer, ajoutant que « définir des critères suppose qu’il y ait des incitations financières proportionnelles aux contraintes, afin de ne pas pénaliser les plus vertueux ». Une allusion directe à la fiscalité des contrats responsables qui s’accompagne d’un autre message à l’adresse des pouvoirs publics : « Nous souhaitons un changement de méthode des pouvoirs publics, car de récents épisodes ne nous ont pas satisfaits », insiste-t-il.

Et Etienne Caniard à citer à la fois les conditions de la participation des complémentaires au forfait médecin traitant dans le cadre de l’avenant n° 8 à la convention médicale et le revirement sur l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) qui a conduit à la mise en place d’un appel d’offres alors même que plusieurs mutuelles s’apprêtaient à lancer une offre adaptée aux bénéficiaires de cette aide. Quant à la généralisation du tiers payant, il a déploré les « sept mois de perdus » entre la remise, en juillet, à la ministre de la Santé du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et sa publication en février.

« Concrètement, nous ne sommes pas satisfaits d’une concertation qui ne fait pas suffisamment de place à la discussion en amont avec les acteurs », résume Etienne Caniard, réclamant « une méthode qui fasse confiance aux acteurs sans lesquels aucune évolution du secteur n’est possible ». L’enjeu n’est pas mince. Les Français sont sous le coup d’une « double peine », décrit-il : un déséquilibre des comptes et des difficultés d’accès aux soins. La conjugaison de ces deux phénomènes provoque une augmentation des renoncements aux soins, qui diminuent chez nos principaux voisins européens.

« Aujourd’hui, conclut le président de la Mutualité Française, le dialogue s’instaure avec le gouvernement, plutôt dans de bonnes conditions. Ce matin, j’intervenais avant la ministre de la Santé, sur Radio classique. Marisol Touraine, interrogée sur nos propositions, s’est déclarée en accord avec nous sur la nécessité de limiter le remboursement des dépassements. L’essentiel est maintenant de s’accorder sur le niveau de cette limitation qui sera déterminant. » Si la Mutualité prend acte de cet accord des pouvoirs publics sur le principe d’une prise en charge maîtrisée par les contrats responsables, elle attend donc à présent que celui-ci se traduise concrètement dans le décret en préparation.

Sabine Dreyfus