Santé mentale : la Mutualité Française publie un Observatoire et formule 10 propositions

Alors que la santé mentale des Français s’est dégradée avec la crise sanitaire, la Mutualité Française dévoile les résultats de son Observatoire et formule dix propositions afin d’améliorer la prise en charge des patients souffrant de troubles psychiques.

UNE PREVENTION INSUFFISANTE

En France, 1 personne sur 5 est touchée chaque année par un trouble psychique, soit 13 millions de personnes. La consommation d’alcool y est supérieure à la moyenne avec l’équivalent de 130 bouteilles de vin consommées par personne et par an (vs 100 bouteilles dans l’OCDE).

En Auvergne-Rhône-Alpes, la consommation régulière d’alcool rapide à 17 ans est de 9,6 %, taux supérieur à la moyenne nationale (8,4 %). Même constat pour la consommation de cannabis plus élevée chez les Français (21,8 % des 15-34 ans) que chez leurs voisins européens (14,4 %). Or la consommation abusive de ces substances peut être source de troubles psychiques importants.

Quant au taux de suicide, de 13 pour 100 000 habitants, c’est également l’un des plus élevés des pays européens (10,5 en moyenne). Un tiers des suicides est lié à une dépression. Le nombre de séjours hospitaliers pour tentative de suicide est encore très élevé chez les jeunes : le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide des 12-18 ans est en moyenne de 16,1 pour 10 000 habitants (contre 1,5 pour les 18-64 ans). En Auvergne-Rhône-Alpes, la moyenne est de 11,6 pour 10 000 habitants et atteint plus de 22,6 dans le Cantal contre 6,4 dans le Puy-de-Dôme.

 

UN ACCES INEGAL AUX PSYCHIATRES ET AUX PSYCHOLOGUES SELON LE TERRITOIRE

La France enregistre l’une des densités de psychiatres parmi les plus élevées d’Europe avec 23 psychiatres pour 100 000 habitants, ce qui la situe à la 4e place des 27 États de l’Union européenne. Cependant, les écarts entre les départements sont importants, les densités de psychiatres variant de 1 à 4 entre les moins bien dotés (9 pour 100 000 habitants dans l’Aube et dans le Cantal) et les mieux dotés (34 en Gironde, 36 dans les Bouches-du-Rhône, 38 dans le Rhône). Les psychiatres sont concentrés dans les grandes agglomérations, notamment à Paris qui apparaît comme un cas particulier avec 99 psychiatres pour 100 000 habitants.

Si 62 % de psychiatres ne pratiquent pas de dépassement d’honoraires, une majorité d’entre eux en pratiquent dans certains départements (à Paris, dans l’Essonne, les Yvelines et les Hauts-de- Seine). Le Cantal et la Meuse cumulent faible densité de psychiatres et forte pratique de dépassements d’honoraires.

La psychiatrie est la spécialité la plus consultée à distance après la médecine générale : 6,4 % de l’ensemble des téléconsultations, soit un peu plus de 370 000 téléconsultations. Les téléconsultations en psychiatrie ont connu une croissance exponentielle lors du 1er confinement, passant d’un peu moins de 1 000 consultations en février 2020 à près de 80 000 consultations en avril 2020. Elles demeurent à un niveau supérieur à celui observé avant le confinement avec plus de 30 000 consultations en janvier 2021.

Les psychologues, quant à eux, ont une répartition géographique similaire à celle des médecins généralistes. La densité de psychologues s’élève à 110 pour 100 000 habitants, avec des variations territoriales : plus de 149 pour 100 000 habitants dans le Rhône et moins de 86 pour 100 000 habitants en Ardèche et dans le Cantal par ex.

 

DES RESTES A CHARGE IMPORTANTS

Les dépenses remboursées au titre des maladies psychiatriques et de la consommation de psychotropes, incluant les soins de ville (29 %), les hospitalisations (48 %) et les arrêts de travail (23 %), sont le premier poste de dépenses par pathologie de l’assurance maladie, atteignant 23,4 milliards d’euros en 2018, tous régimes confondus.

La consommation de médicaments psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques, neuroleptiques et hypnotiques) en France est l’une des plus importantes d’Europe. 13,4 % des Français ont ainsi consommé en 2015 au moins une fois une benzodiazépine (et notamment des anxiolytiques), ce qui place la France au 2e rang, derrière l’Espagne. Cette consommation est 5 fois supérieure à celle enregistrée en Allemagne, pays le moins consommateur.

40 à 60 % des personnes souffrant de troubles psychiques ne seraient pas prises en charge, la moitié des Français (47 %) indiquant que le tarif de la consultation des psychologues est l’obstacle principal à la consultation.

Parmi les adhérents mutualistes, une personne souffrant de troubles mentaux a, en moyenne, un reste à charge avant intervention de la mutuelle de 1 300 € par an, soit 3 fois plus que les autres patients (470 euros). Près de la moitié de ce reste à charge – 590 euros – est liée à des séjours à l’hôpital. Après intervention des mutuelles, ce reste à charge passe de 1 300 € à environ 200 €.

 

UN SUJET QUI TOUCHE UNE MAJORITE DE FRANÇAIS

D’après un sondage Harris Interactive pour la Mutualité Française, 64 % des Français ont déjà ressenti un trouble ou une souffrance psychique (75% pour les moins de 35 ans). Et, au cours de la dernière année, 95 à 97 % des médecins généralistes, psychiatres et psychologues font le constat net et partagé d’une augmentation des consultations pour anxiété, sentiment d’isolement, état dépressif et troubles du sommeil.

Pour une majorité de Français (62 % et 70 % pour les psychiatres), le Gouvernement prend mal en compte les enjeux liés à la santé mentale dans son action.

LES INITIATIVES DES ACTEURS MUTUALISTES EN AUVERGNE-RHONE-ALPES

  1. Les actions de prévention autour de la santé mentale

La Mutualité française Auvergne-Rhône-Alpes organise auprès des actifs, des seniors et des aidants, des actions de prévention autour du bien-être dans une approche globale de la santé mentale.

Quelques exemples d’actions :

Promotion de la Qualité de vie au Travail et actions de bien-être des salariés actifs

Accompagnement sur le bien-être et la qualité de vie au travail des actifs (salariés/agents) par la mise en place d’un diagnostic « Qualité de vie ». Cette méthodologie s’inscrit dans une démarche globale permettant d’une part de questionner les habitudes de vie des actifs et leur conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. D’autre part, elle permet d’aller jusqu’à la mise en place d’un plan d’action de prévention au bénéfice de ces actifs. La démarche est élaborée en concertation avec l’ensemble des acteurs de l’entreprise.

Forum « Ma santé, mon bien-être »

Mise en place d’un forum santé sur une journée santé et bien-être où les seniors peuvent bénéficier de différents dépistages santé et conseils thématiques (alimentation, hygiène bucco-dentaire, stress, sommeil, etc.) avec une initiation à la sophrologie proposée par un expert.

 Web Atelier « Initiation aux techniques de bien-être »

Chacun est plus ou moins concerné par le stress, c’est un phénomène d’adaptation du corps qui nous permet de réagir à notre environnement. Il peut être bénéfique mais lorsqu’il devient chronique, le stress peut avoir des effets néfastes sur le bien-être psychique, mental, émotionnel et sur la santé.

Cet atelier est animé par une sophrologue, il permet de découvrir les mécanismes du stress et de s’approprier de nouvelles techniques de relaxation pour mieux gérer les difficultés au quotidien, et à terme, favoriser l’augmentation durable du sentiment de bien-être.

Atelier d’accompagnement « Respirer le bien-être »

Atelier « découverte de techniques de relaxation » de plusieurs séances, animé par une sophrologue, à destination des séniors de plus de 60 ans.

Ateliers dans le cadre du programme « Aidants, votre santé, parlons-en ! »

Fortement impliquée sur la question des aidants, la Mutualité française Auvergne-Rhône-Alpes déploie le programme de prévention « Aidants, votre santé parlons-en ! » au plus près des territoires en faveur des aidants. Ce programme permet de reconnaître les aidants qui, par leur implication et leur engagement, participe à une société plus solidaire et plus humaine et aussi permet de parler de l’impact de leur implication sur leur santé.

Celui-ci comprend des actions de sensibilisation tout public « aidants », des ateliers d’accompagnement et de changement de comportement. Les ateliers sont organisés autour de trois déterminants de santé : l’activité physique, le lien social et le bien-être psychologique avec par ex. des ateliers de méditation, de pensée positive, etc.

 

  1. Les actions initiées par les mutuelles santé

Le champ de la santé mentale est également investi par certaines mutuelles en raison de leur cible d’adhérents, potentiellement plus exposée aux risques psychosociaux. D’autres ont choisi de renforcer leur prise en charge depuis la crise sanitaire. Les interventions proposées vont du remboursement des consultations de psychologues (22% des contrats individuels des mutuelles les prennent en charge), à l’assistance psychologique, aux téléconsultations psychiatriques, ou encore aux réseaux de soins donnant accès à des psychologues ou des thérapies complémentaires (sophrologie notamment).

 Garanties

Prise en charge des consultations de psychologues : 22% des contrats des mutuelles prennent en charge les consultations des psychologues.

La prise en charge se situe en général autour de 20 € à 40€/ acte, limitée à 3 à 4 séances par an.

Autres garanties

Certaines mutuelles proposent également un remboursement de 30 €/an sur un abonnement sport ou pass vélo… et jusqu’à 50€/an sur les équipements vélo (casque…) car la pratique sportive favorise une meilleure santé mentale, ainsi qu’un remboursement jusqu’à 150 €/an pour les médecines douces (sophrologie, chiropraxie, acupuncture…).

Services

Soutien/assistance psychologique

  • Renforcement de l’accompagnement psychologique : extension des conditions d’accès aux services d’accompagnement psychologique à la situation de la Covid-19.
  • Pendant la crise, nombre de mutuelles ont proposé et mis en avant des services de soutien psychologique par téléphone.
  • Mise en place du service « Réflexe prévention et solidarité » pour soutenir les agents du ministère de l’Intérieur. Ce dispositif gratuit d’écoute et d’aide par téléphone est dédié aux agents des forces de sécurité et accessible 24h/24 et 7j/7.
  • Mise en place d’une cellule d’écoute et de soutien psychologique dans le contexte de la crise Covid-19. Cette cellule prend la forme d’une ligne téléphonique dédiée et communiquée à tous les salariés. Le salarié peut contacter la ligne dédiée, et suite à un premier entretien dans les 5 jours ouvrés suivants lui permettra de définir des objectifs d’accompagnement et de bénéficier d’un soutien allant jusqu’à 10 entretiens avec son psychologue référent.

Téléconsultations psychiatriques

Plusieurs plateformes de téléconsultation travaillant avec les OCAM donnent également accès à un certain nombre de spécialités dont la psychiatrie, permettant un accès 24/24 et un rdv sans délai. Les téléconsultations sont donc prises en charge par l’AMO et par l’AMC, comme une consultation classique en cabinet.

 

  1. Les établissements et services mutualistes spécialisés en santé mentale

Médico-social

  • 2 Foyers d’Accueil Médicalisés à Mours St Eusèbe et à Peyrins
  • 1 Foyer de Vie au Domaine Mutualiste de l’Arzille à Feurs
  • 1 Service Mutualiste d’Accompagnement à la Vie Sociale Vivre la Vie à Saint-Etienne
  • 1 centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie des Alpes à Grenoble, Bourgoin-Jallieu et Vienne

 Sanitaire

  • 3 établissements de santé mentale :
    • Chanay (Ain) : hospitalisation complète – spécialité : adolescents, endocrinologie et nutrition
    • Grenoble : Consultations, hôpital de soirée et de jour, accueil jeunes adultes
    • Lyon : consultations, HJ, ateliers thérapeutique et espace santé jeunes
  • 1 établissement de soins de suite et réadaptation spécialisé en addictologie à Saint Galmier dans la Loire

Autre

  • 1 Maison des Adolescents à Lyon = lieu d’accueil, d’accompagnement et de soins des adolescents (de 11 à 18 ans, extension possible à 25 ans) et/ou de leur famille résidant dans le Rhône.

 

 

DIX PROPOSITIONS CONCRETES

Face à ce constat, la Mutualité Française formule 10 propositions concrètes afin de faire progresser la prise en charge des patients souffrant d’un trouble psychique. Elle préconise ainsi de développer des actions à destination du grand public pour destigmatiser les troubles mentaux, pour aider les populations à identifier des signes de mal-être, et pour expliquer les rôles des différents intervenants de la santé mentale.

Elle propose d’investir dans le dépistage et la prévention des troubles psychiques notamment en renforçant les services de médecine préventive et de promotion de la santé (services de protection infantile, médecine scolaire et universitaire, médecine du travail).

Elle suggère de renforcer les compétences psychosociales de la population (gestion du stress, régulation des émotions, gestion des conflits, etc.), en développant des programmes de prévention, notamment pour les parents.

Elle attire l’attention sur la nécessité d’avoir une attention toute particulière sur les populations les plus précaires (personnes sans domicile fixe, migrants) ainsi que sur les détenus en prison.

Elle préconise l’émergence de nouveaux métiers et le développement des protocoles de coopération entre professionnels pour disposer du temps nécessaire à l’accompagnement des patients (avec, par exemple, la formation des infirmiers en pratique avancée en psychiatrie et santé mentale).

La Mutualité Française propose également d’organiser une gradation des soins en fonction de la sévérité des troubles du patient et d’encourager le développement des résidences d’accueil qui permettent une plus grande autonomisation des patients qui sortent de l’hôpital.

Elle appelle à étudier avec les pouvoirs publics, l’assurance maladie, les complémentaires santé et les professionnels les conditions et modalités d’une prise en charge pérenne des consultations de psychologues. Cette réflexion pourra utilement s’appuyer sur les enseignements de l’initiative prise par les mutuelles en 2021 de rembourser 4 séances de psychologue.

Elle demande de forfaitiser le reste à charge à hôpital et de plafonner le tarif des chambres particulières. Enfin, elle aspire à ce que l’allocation de ces dépenses soit au service de la transformation de la prise en charge pour adapter les moyens aux besoins des populations.